La cité Frugès à Bordeaux

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écrit par Rémi Guérin
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Quand on parle des réalisations de Charles-Edouart Jeanneret-Gris -dit Le Corbusier-, c’est la Cité Radieuse de Marseille qui vient immédiatement à l’esprit. Les ouvrages de l’architecte ne s’y limitent pourtant pas, comme le montre la Cité Frugès située à quelques kilomètres de Bordeaux, dans la ville de Pessac. Classée Zone de protection du Patrimoine architectural, elle regroupe 50 pavillons construits entre 1924 et 1926. Dans une maison « gratte-ciel », acquise par la municipalité de Pessac et devenue musée, on peut découvrir l’histoire de ce quartier.

Que ceux qui se sentent le goût et le courage, la persévérance et la résistance possible aux échecs, prennent le risque de tendre l’effort de leur vie vers une culture de l’esprit par la culture de l’art et la poursuite du beau. Il souffriront beaucoup. Ils seront tués. Et si la récompense leur échoit jamais, ce sera après la bataille livrée, après la bataille gagnée, longtemps après, tard.

Ces quelques mots du Corbusier résument la vie de celui qui fut autant un artiste qu’un architecte visionnaire aux projets révolutionnaires.

L’industriel sucrier pessacais Henry Frugès fut l’un des premiers à pressentir le talent du Corbusier, notamment en lisant l’un de ses premiers ouvrages Vers une architecture publié en 1923. Aussi c’est à lui qu’il fit appel en 1924 pour loger des ouvriers sur « une vaste prairie entourée de bois et de pins, pour y édifier une cité-jardin ». Il laisse une grande liberté à l’architecte en libellant ainsi sa commande : 

Je vous autorise à réaliser dans la pratique vos théories (…) Pessac doit être un laboratoire.

Le projet de départ était très ambitieux : 135 maisons devaient être construites ainsi qu’une place centrale entourée de commerces et de cafés. Mais les difficultés techniques se succédant, seule une cinquantaine de maisons verront finalement le jour. En effet le Corbusier souhaitait utiliser des matériaux novateurs et faire avec le concours des entreprises locales. Mais ces dernières se révélèrent incompétentes, peu habituées à ce type de commande, et les matériaux prévus, trop chers. Très vite les prix des maisons sont multipliés par quatre et les logements ne se vendent pas. Henry Frugès et le Corbusier sont contraints de revoir leurs plans à la baisse. Pourtant des personnalités politiques encouragent le projet, comme Loucheur, ministre à l’origine de la loi sur les HBM (Habitations à Bon Marché, ancêtres des HLM) en 1928.

L’auteur des photos est : JosepBC

Les habitations de la Cité Frugès peuvent être classées selon six modèles ayant chacun leur singularité : « zigzag », « jumelle », « isolée », « arcade », « gratte-ciel » et « quinconce ». Les pavillons ainsi réalisés sont une mise en œuvre concrète des théories du Corbusier, et plus particulièrement des cinq points qui constituent, selon lui, l’architecture nouvelle : -pilotis-toit-jardin-plan libre-fenêtre en longueur-façade libre
Aujourd’hui les maisons sont assez dégradées. Au départ le quartier a souffert de sa situation géographique : excentré et mal desservi il n’était pas très attractif. Ce sont des familles modestes qui ont acquis les premiers logements et les ont transformés selon leurs besoins et leurs goûts, dénaturant parfois totalement l’habitat. Ensuite, il faut se souvenir que le talent du Corbusier n’a été reconnu que tardivement ; les projets de réhabilitations sont donc récents. Un programme de restauration est actuellement en cours pour redonner au quartier l’aspect projeté à l’origine.

Néanmoins la visite du quartier demeure très agréable, notamment pour les façades colorées des différents pavillons qui donnent une atmosphère toute particulière à l’ensemble. En outre le musée –gratuit- est très pédagogique et permet d’en savoir un peu plus sur celui qui est aujourd’hui considéré comme l’un des plus grands architectes français.

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